EXPERIMENTATION DE METHODES DE REGULATION
NON CHIMIQUE DES RENOUEES DU JAPON
La surface colonisée par la renouée du Japon s'accroît,
contribuant ainsi à la dégradation des milieux
naturels (diminution locale de la biodiversité végétale
et animale) ou à la banalisation du paysage avec des linéaires
de berges qui ne présentent plus que des haies monotones
de renouées. Cela peut aussi gêner l'accès
des pêcheurs à la rivière ou dévaloriser
des propriétés foncières. Il est donc nécessaire
de mettre en place des stratégies de gestion de la renouée
du Japon secondées par des techniques de lutte efficaces.
C'est dans ce sens que l'Association Echel, en partenariat avec
l'Agence de l'Eau Rhône-Méditerranée-Corse
et la Ville de Besançon, a mené une étude
expérimentale de lutte contre la renouée du Japon.
Cette plante se trouvant fréquemment à proximité
des cours d'eau, il était impératif de trouver
des alternatives aux procédés basés sur
l'emploi de pesticides, ces derniers ne s'étant pas, en
outre, révélés très efficaces.
I. LES RENOUEES DU JAPON
Ce sont en fait deux espèces de Fallopia que regroupe
l'appellation "renouée du Japon" : Fallopia
japonica, la renouée du Japon sensu stricto et Fallopia
sachalinensis, qui est plus rare en France. Les deux sont envahissantes
et prospèrent sur tous types de milieux (bords de routes,
berges, falaises calcaires,
). Cependant, elles affectionnent
plus particulièrement les milieux humides et drainants,
ce qui fait qu'elles sont surtout localisées le long des
cours d'eau. Les renouées du Japon se reproduisent de
façon végétative, à partir de rhizomes
souterrains, desquels croissent d'autres pieds. Ainsi, durant
leur cycle biologique, les renouées du Japon n'ont de
cesse d'accumuler des réserves dans les rhizomes pour
assurer cette reproduction. Dans ce but, elles ont développé
des stratégies de plantes pionnières et colonisatrices.
Elles vont croître sur les terrains nus, avant que d'autres
plantes ne s'y installent. Les premières pousses apparaissent
dès la fin de l'hiver, en mars. La vitesse de croissance
très élevée et la production d'une biomasse
foliaire importante font que le secteur va être rapidement
recouvert d'un tapis de renouées bloquant la pénétration
de la lumière et empêchant le développement
d'autres espèces. En outre, cette biomasse foliaire va
capter un maximum de rayonnement solaire et garantir une photosynthèse
au rendement très élevé. Les nutriments
sont stockés dans les rhizomes qui atteignent plusieurs
mètres de long et qui peuvent descendre jusqu'à
deux mètres sous terre. La constitution d'un massif de
renouées est donc très rapide et devient la source
de dissémination de la plante. En effet, les graines étant
stériles, c'est la propagation de fragments de rhizome
par érosion des berges ou transport de terres contaminées
pour des chantiers, qui contribue à la colonisation d'autres
zones. Un morceau de 5 g de rhizome a 70 % de chance de redonner
un individu.
II. DEMARCHE EXPERIMENTALE ET TECHNIQUES UTILISEES
En se basant sur la biologie des renouées, nous avons
choisi de mettre au point des procédés qui allaient
continuellement perturber les renouées du Japon vis à
vis de la constitution des réserves alimentaires dues
à la photosynthèse et à l'absorption racinaire.
Ces méthodes ont donc pour but de priver les renouées
du rayonnement solaire et de leur opposer une concurrence forte
vis à vis des nutriments disponibles dans le sol.
II.1. Les traitements testés
Tous les protocoles ont été mis en place après
que les parcelles expérimentales ont été
fauchées puis passées au rotavator. Pour juger
de l'effet des traitements, nous avons gardé indemne une
parcelle dite "témoin".
II.1.1. La plantation dense de ligneux
Le but de cette technique est de créer un couvert végétal
suffisamment fermé pour que les renouées ne puissent
faire la photosynthèse.
Nous avons sélectionné des espèces arborescentes
et arbustives fréquentes dans les ripisylves de Franche-Comté,
comme le noisetier, le fusain d'Europe, les saules, l'aulne et
encore le frêne. La densité des plants était
de 4 au mètre carré.
Ce traitement a nécessité un arrachage manuel une
fois par mois, des pousses de renouées sur les 3 premières
années, jusqu'à ce que l'ombre des arbres fût
assez importante. Nous avons essayé de faucher avec une
débroussailleuse à fil, mais il y avait toujours
quelques plants atteints.
II.1.2. Plantation de ligneux avec pose de dalles rigides de
paillage de fibres de bois
Cette méthode repose sur le même principe que la
précédente. L'utilisation de dalles rigides avait
pour objectif de limiter la pousse des renouées trop proches
des plants, rendant ainsi possible une fauche mécanique
tout en réduisant le risque de détérioration
des plants. D'autre part, le nombre de plants était réduit
de moitié puisqu'il y en avait deux au mètre carré.
Les espèces ligneuses étaient les mêmes que
celles citées plus haut. L'entretien a demandé
une fauche mécanique mensuelle durant la période
de croissance des renouées.
II.1.3. Pose de paillage souple de fibres de bois (géotextile)
avec plantation de ligneux
Toujours basé sur la gêne de l'activité photosynthétique
des renouées, ce traitement a aussi été
mis en place dans le but de réduire les coûts d'entretien
au minimum.
Une fois la parcelle passée au rotavator, le géotextile
a été posé sur le sol. Ensuite nous avons
planté des ligneux à raison de 2 au mètre
carré. Pour ceci des fentes ont été réalisées
dans le géotextile. Ce dernier doit être choisi
et posé avec soin et en respectant plusieurs points :
· préférer un géotextile non tissé
pour que les renouées ne puissent profiter des mailles
pour s'immiscer au travers, sa densité doit être
d'au moins 1400 g/m2,
· faire chevaucher les toiles de sorte que lors d'une
crue, l'eau ne s'engouffre pas sous les toiles au risque de les
arracher,
· utiliser des agrafes pour fixer le géotextile
(pas indispensable mais conseillé),
· poser des collerettes de géotextile autour des
plants pour recouvrir les fentes, afin que les pousses de renouées
ne puissent s'y insérer.
II.1.4. Reconstitution d'une prairie par semi dense d'herbacées
En effectuant un semi dense, le réseau racinaire des herbacées
va gêner la nutrition racinaire des renouées. De
plus, le chevelu racinaire très resserré des herbacées
peut aussi limiter la croissance des pousses de renouées
issues des rhizomes.
Les herbacées choisies étaient celles couramment
rencontrées dans les prairies, à savoir le ray-grass,
le trèfle blanc et la fétuque des prés,
avec une proportion d'un tiers chacune.
L'entretien a consisté en une simple tonte mensuelle durant
la période végétative des renouées.
II.1.5. Traitement thermique
Ce protocole a été imaginé comme alternative
aux autres méthodes dans des cas où la fauche et
la plantation de ligneux ou le semi d'herbacées ne sont
pas réalisables : typiquement sur des berges empierrées,
dépourvues de terre.
Nous avons utilisé une rampe thermique au gaz GPL. La
flamme était appliquée sur les feuilles des renouées
et au pied des bosquets pour brûler le rhizome. La fréquence
était de un passage par mois.
II.2. Les sites d'expérimentation
II.2.1. Besançon (25)
Il s'agissait de berges en pente le long du Doubs, constituées
de gravats et de remblais.
La densité de renouées était d'environ 20
pieds au mètre carré. Les parcelles expérimentales
faisaient 50 m2.
De telles parcelles étaient intéressantes puisqu'elles
nous ont permis de tester nos protocoles pour des situations
où les massifs de renouée sont encore en phase
de densification.
II.2.2. Villette les Arbois (39)
Ce site offrait des conditions radicalement différentes
du précédent. Les parcelles, en bordure de la Cuisance,
étaient planes et sur sol alluvial, donc très favorables
à la renouée. Ceci était confirmé
par la présence de massifs de renouées très
denses, avec environ 50 pieds au mètre carré.
II.3. Les variables mesurées
Cinq placettes de 1 m2 ont été délimitées
sur chaque parcelle. Toutes les renouées qui s'y trouvaient
ont été prélevées. Nous avons mesuré
la hauteur des tiges, leur diamètre et le nombre de pieds.
L'expérimentation a duré 3 ans, de 1999 à
2001. Selon les années, il y a eu 4 à 5 campagnes
de prélèvement.
Les résultats indiqués plus bas sont la moyenne
des données des cinq placettes.
III. RESULTATS DES EXPERIMENTATIONS
Dans cet article et à des fins synthétiques, nous
présentons les données 1999 et 2001 concernant
la densité et la hauteur des tiges, pour les expérimentations
réalisées sur les berges du Doubs.
(...)